Rappelons les faits : Le 2 décembre 2015, 14 personnes sont mortes et 22 ont été blessés suite à une attaque terroriste dans un centre communautaire de San Bernardino, une ville de Californie. Selon la police du comté, les assaillants préparaient aussi un attentat à la bombe et des complices seraient impliqués.
Le FBI en veut plus d’Apple
Le FBI a en sa possession les téléphones cellulaires des suspects. Ils ont donc accès à une tonne d’information capitale sur ces criminels (ils ont été tués lors d’un échange de coups de feu). Le problème, c’est qu’un des appareils est un iPhone, et l’iPhone est, depuis le 5S, totalement chiffré (c’est pour cette raison qu’on vous demande d’entrer un code à chaque démarrage, pour déchiffrer l’appareil). Il est donc impossible de lire le contenu du téléphone sans la clef de déchiffrement, ici un code à 4 ou 6 chiffres.
Par contre, le FBI a eu accès à plusieurs informations qui proviennent de l’appareil. Apple a, suite à un mandat émis en bonne et due forme, fourni tout ce qu’elle avait sur le tireur dans ses serveurs. L’entreprise a donc envoyé des sauvegardes de l’appareil faites sur iCloud (Lire iPhone: Ce qui est chiffré, ce qui ne l’est pas) et l’opérateur de service a envoyé l’historique des communications (Lire Pourquoi nous soutenons Apple face au FBI). On se demande donc ce que le Federal Bureau veut de plus.
Alors que le corps du programme PRISM, dévoilé par Edward Snowden, est encore chaud, une autre menace pour notre vie privée se dessine devant nous. PRISM, je le rappelle, c’est le programme de la NSA qui est capable de capter et d’analyser TOUTES les données qui transigent dans les serveurs des entreprises américaines du web et il a été décrié par tous les acteurs de la sécurité informatique et tous les experts de la vie privée. Un gouvernement ne devrait pas avoir le pouvoir d’espionner, d’analyser et de ficher le monde entier, encore moins ses propres citoyens, si facilement et sans avoir besoin de soupçons particuliers.
Aujourd’hui, le FBI demande à la cour d’obtenir le droit de forcer n’importe quel iPhone/téléphone intelligent. Par contre, ni le FBI, ni la CIA, ni la NSA ne nous ont démontré qu’ils méritaient d’avoir accès à ces données, qu’ils méritaient que nous leur fissions confiance. Le gouvernement du Canada a par ailleurs annoncé qu’il suspendait sa collaboration avec le réseau « Five Eyes » (Lire: Le Canada a suspendu le partage d’informations avec ses alliés) puisqu’il ne pouvait garantir la sécurité des données transigées.
De l’abus, il y en a eu, il y en aura
Ce genre de stratagèmes de collecte d’information à grande échelle est souvent quelque chose que l’on voit dans les films d’espionnage lorsque le héros arrive dans une dictature ou une fausse démocratie. La Chine est la principale source d’inquiétude quant à l’utilisation qu’elle fait des données recueillies sur son peuple et du Great Firewall. Pourquoi, donc, si nous ne pouvons juger acceptable que la Chine épie son peuple, pourrions-nous accepter que nos gouvernements puissent le faire, à notre insu ?
Ce que le FBI souhaite, c’est qu’Apple, forcée par son gouvernement, crée une version d’iOS avec une porte dérobée. Le problème, c’est qu’on peut facilement extrapoler et imaginer la Chine, ou n’importe quel autre pays au régime autoritaire, exiger que l’entreprise munisse ses appareils de la version avec porte dérobée si elle veut continuer à vendre sur son territoire. Apple ne serait plus vraiment en mesure de refuser, puisque la dite version d’iOS existerait, et elle ne peut se permettre de ne plus vendre dans le pays le plus populeux du monde, qui est aussi la deuxième économie mondiale. L’entreprise fait des causes des droits humains, de la vie privée et de la sécurité individuelle ses chevaux de bataille depuis quelques temps. On l’imagine mal accepter facilement de changer son fusil d’épaule.
Mais bon, trouver des ressemblances entre une république autoritaire et la plus puissante démocratie du monde demande un tour de gymnastique intellectuelle auquel je n’oserais m’essayer. Par contre, je peux me permettre de juger les agissements de nos démocraties occidentales qui semblent sombrer dans la surveillance excessive (Lire : Les abus de l’état d’urgence).
Entre de mauvaises mains…
Mon dernier point est le plus facile à expliquer. Ce que le FBI demande, en fait, c’est qu’Apple crée une clef capable de déverrouiller uniquement l’iPhone du terroriste en question. Or, en technologie, rien n’est exclusif. Si Apple créait une version d’iOS capable de déverrouiller l’iPhone 5C de ce criminel, il serait théoriquement très facile pour n’importe quel autre criminel de trouver cette clef et de la modifier un tantinet pour pouvoir ainsi déverrouiller n’importe quel iPhone, puisque tous les iPhone récents fonctionnent sous la même version d’iOS.
C’est un problème bien plus tangible et immédiat que la peur que le gouvernement tombe dans la tyrannie. Nos informations bancaires sont sur nos téléphones, nos textos, notre adresse, nos courriels (parfois confidentiels, parfois anodins), nos photos, nos contacts, etc. Notre vie entière se retrouve aujourd’hui sur des appareils si facilement perdus et si facilement volés. C’est pour cette raison qu’Apple et Google poussent très fort pour crypter nos téléphones. Cela évite que s’ils se retrouvent entre de mauvaises mains, les informations qu’ils contiennent puissent être récupérées. Une porte dérobée qui permet aux agences gouvernementales de les déverrouiller est un énorme trou dans cet édifice sécuritaire qu’on tente de construire. Et ce trou, il risque d’être trouvé, et exploité, par des gens mal-intentionnés parce que ce qui est construit par l’Homme peut-être détruit par l’Homme…
Conclusion
Une vie privée, ce n’est pas qu’une belle expression qui nous permet de dire ce que l’on veut dans sa demeure. Une vie privée, c’est aussi un droit qui permet à tous les individus de choisir ce qui est public de ce qui ne l’est pas. C’est le droit de pouvoir partager ce que je veux avec mes amis, mes parents, mes collègues en textos, en tweets, en messages privés Facebook ou en Snapchat. C’est le droit de savoir que ces conversations ne sont pas épiées et que ce que je dis ne sera pas retenu dans un fichier, au cas où, un jour, quelqu’un de la NSA croit que je pourrais peut-être, éventuellement, commettre un crime.
Le gouvernement ne met pas de micros dans les espaces publics. Pourtant, ce qu’on dit à voix haute pourrait être tout aussi dangereux pour la sécurité nationale que ce qu’on écrit par texto. Il faut arrêter de tomber dans ce tourbillon de peur et trouver de meilleurs moyens que l’espionnage de son propre peuple au nom de la fameuse sécurité nationale, et je ne veux pas non plus qu’un pirate de 15 ans (ou plus) ait accès à mes applications bancaires ni à mes Snapchat. C’est secret, mes Snapchat.
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