Neutralité du Net

La neutralité du net vit des moments difficiles

Gabriel Gagnon Monde du sans-fil, Nouvelles, Réseaux Sociaux Leave a Comment

Prenez note que cet article a été publié le 14 décembre 2017, soit il y a plus d'un an. Certaines informations pourraient ne plus être à jour.

La Federal Communication Commission (FCC), le CRTC américain, a voté aujourd’hui contre la neutralité du net. Trois républicains ont voté pour l’abolition de ces règles, contre deux démocrates. Qu’est-ce que ça veut dire? Est-ce que les Canadiens vont sentir les contrecoups de cette décision? Laissez-moi vous expliquer.

La neutralité du net, c’est quoi?

Quand on parle de neutralité du net, on ne parle pas du contenu, mais du contenant. C’est un principe fondamental du Web qui veut que les tuyaux (les fournisseurs d’accès) soient neutres, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas faire de distinction de contenu. Si le client paye pour accéder au Web à une vitesse de 50 Mb/s, tous les sites qu’il visitera seront sur le même pied d’égalité et ils seront tous accessibles à la même vitesse.

Un fournisseur ne peut pas non plus refuser à l’utilisateur d’accéder à un site web, sauf si ce dernier ne respecte pas la loi (la pornographie juvénile peut être bloquée, par exemple).

Sans neutralité, Vidéotron pourrait, en théorie, ralentir votre connexion si vous visitez Tou.TV pour favoriser sa plateforme Club Illico, qui elle serait disponible à la plus grande vitesse disponible. Bell pourrait dire que YouTube n’est pas inclus dans votre service et, comme pour une chaîne câblée, vous demander de payer pour y accéder.

C’est ce qui guette le marché américain du Web en ce moment

Les fournisseurs d’accès étant désormais d’énormes conglomérats contrôlant à la fois le contenu et le tuyau, sans neutralité, il ne serait pas farfelu que Disney puisse payer AT&T ou Verizon pour que son contenu se trouve dans la voie rapide, tandis que Vimeo (qui n’a pas les poches de Disney), serait sur la voie lente. On pourrait aussi voir Comcast (le Bell américain) utiliser ses installations pour faire la promotion des propriétés de NBCUniversal (sa branche média), aux dépens des contenus de Warner, Disney, Sony ou de ce qui est créé par les utilisateurs

Le Canada est-il à l’abri?

En théorie, oui. La loi sur les télécommunications du Gouvernement du Canada est très claire à ce sujet.

Il est interdit à l’entreprise canadienne […] d’établir une discrimination injuste, ou d’accorder — y compris envers elle-même — une préférence indue ou déraisonnable, ou encore de faire subir un désavantage de même nature.

Il est interdit à l’entreprise canadienne, sauf avec l’approbation du Conseil, de régir le contenu ou d’influencer le sens ou l’objet des télécommunications qu’elle achemine pour le public.

C’est le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) qui a la responsabilité de s’assurer que ces principes sont respectés au Canada, et il ne se gêne pas pour rappeler aux fournisseurs qu’ils existent. L’organisme fédéral a demandé en début d’année à Vidéotron de cesser sa promotion « Musique illimitée », puisqu’elle violait la loi sur les télécommunications.

Avec cette offre, l’entreprise de Québecor ne comptait pas les données utilisées par les services de diffusion de musique en continu dans les limites de ses clients, ce qui équivaut à avoir une préférence et à favoriser une certaine forme de contenu plutôt qu’une autre. Bell a dû aussi cesser en 2015 de proposer une option à 5 $ qui permettait de regarder des vidéos sans qu’elles soient comptées.

Le CRTC est très rigide sur la neutralité du net, et c’est tant mieux. Son président avait dit, par rapport à l’affaire « Musique illimitée » : « Ça va être les consommateurs qui vont décider qui sont les gagnants et les perdants dans un marché concurrentiel, et non Vidéotron. »

Par contre, il faut garder l’œil ouvert. La démocratie étant ainsi faite, un nouveau gouvernement peut très bien défaire tout ce qu’un autre avait installé. Il faut continuer à surveiller les travaux des chambres pour s’assurer que ce qu’on vote dans celles-ci représente nos valeurs et nos idées.

Alors, quels sont donc les impacts possibles au Canada?

La loi américaine n’a pas de pouvoir ici. Nous sommes une nation pleine et entière et personne ne peut dire au Canada quoi faire. On appelle ça la souveraineté. Par contre, comme les entreprises de diffusion sur le Web sont majoritairement américaines (YouTube, Facebook, Netflix, Apple, Amazon, etc.), ce qui arrive aux États-Unis peut avoir un impact ici. Le plus important serait sans doute l’impact monétaire.

En effet, si les fournisseurs de contenus demandent des prix de fous à Netflix ou à YouTube pour pouvoir être diffusés correctement, les prix pour le consommateur vont nécessairement augmenter. Les Canadiens ne sont pas à l’abri d’une augmentation des tarifs de ces services, même si l’enjeu est américain.

On peut se consoler en se disant qu’au moins, nos gouvernements ont peut-être plus de gros bon sens au Canada.

Si tu as des questions, n’hésite surtout pas! Je vais essayer de vulgariser le plus possible pour que tous comprennent bien l’enjeu.

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