Ne pas déranger: Mon cerveau est brisé, et le vôtre aussi

Gabriel Gagnon Aparté, Monde du sans-fil, Opinion, Société Leave a Comment

Prenez note que cet article a été publié le 19 mars 2019, soit il y a plus d'un an. Certaines informations pourraient ne plus être à jour.

Mon cerveau est brisé. J’ai eu cette révélation il y a un mois environ, et probablement que le vôtre l’est autant que le mien. Le téléphone intelligent modifie notre relation avec le monde et notre attention pour le réel. Je dois changer ça.

Pas une dépendance

Je ne suis pas accro à mon iPhone. Je peux facilement m’en passer une journée et plus sans problème. Dans un chalet, au cinéma, avec mes amis, je ne ressens pas le besoin de l’utiliser.

Ce qui m’a frappé, par contre, c’est qu’il est omniprésent dès que j’ai un temps mort, que je m’ennuie un peu ou que j’attends quelqu’un ou quelque chose. C’est devenu un réflexe naturel d’aller le chercher dans ma poche quand je suis dans une file à l’épicerie, ou que j’attends quelqu’un à la table d’un café.

Trop facilement, je suis absorbé dans les réseaux sociaux ou dans les fils de nouvelles. Tout ça pour « boucher un trou » qui, on s’entend, n’aurait pas besoin d’être bouché.

Kevin Roose, un journaliste du New York Times, a fait un exercice similaire, mais ses chiffres et son niveau d’utilisation étaient beaucoup plus impressionnants que les miens. Son article est d’ailleurs très intéressant!

La concentration en prend pour son rhume

Ce qui m’a le plus heurté, c’est quand j’ai remarqué que je n’étais plus capable de faire une tâche un peu ennuyante en restant concentré.

On s’entend, rédiger un rapport pour un travail universitaire peut être une activité lourde et monotone, et tout parait plus excitant. Par contre, je ne devrais pas avoir le réflexe d’aller chercher mon téléphone à chaque deux phrases pour me désennuyer. Je devrais être capable de me mettre au travail et de terminer ledit rapport. J’ai déjà été capable!

J’ai remarqué plusieurs situations troublantes au fil du temps :

  • Je n’arrive plus à m’asseoir avec un livre et de juste… lire.
  • Je défile toujours, ou presque, Twitter ou Facebook quand j’écoute la télé.
  • J’ai de la difficulté à ne pas ouvrir Instagram en classe.

Ce ne sont que des exemples. Les réseaux sociaux, les messages, les snapchats et les notifications en tout genre m’ont rendu TDA (trouble du déficit de l’attention). Posez la question à mon médecin et il vous répondra que non je ne suis pas TDA, mais que je devrais peut-être brûler mon téléphone si je veux retrouver ma concentration à 100 %.

On s’entend, ce n’est pas vraiment une possibilité en 2019. Premièrement, je n’ai aucune envie de jeter mon téléphone intelligent aux poubelles. Deuxièmement, un smartphone est aujourd’hui l’ordinateur le plus important de nos vies.

Il y a des solutions plus radicales…

Pour régler son problème, Roose, du New York Times, a participé à une « thérapie » pour modifier ses réflexes et contrôler ses pulsions. Il a, par exemple, attaché un élastique à son téléphone devant l’écran pour être forcé à réfléchir une seconde fois avant de l’utiliser. Il a aussi changé son fond d’écran afin que trois questions soient toujours visibles :

  • What for? (pour quoi faire?)
  • Why now? (pourquoi maintenant?)
  • What else? (quoi d’autre?)

Il a aussi décidé de ne pas charger son téléphone dans sa chambre. À la place, il s’est acheté un petit coffre verrouillé et il dépose son appareil à l’intérieur le soir avant d’aller dormir.

Finalement, il a aussi entrepris un grand ménage de ses applications. Au revoir Twitter, Facebook, Instagram, et al., on ne conserve que deux applications sociales, soit WhatsApp et Signal. Le reste de ses apps est composé d’utilitaires, de Google Maps, de livres de recettes, etc.

Certaines de ces solutions sont assez radicales, comme de mettre son iPhone dans un coffre verrouillé, mais l’idée générale d’instaurer des limites et de ne pas pouvoir leur déroger est bonne.

… D’autres moins.

Pour pallier mes problèmes de concentration et de distraction, j’ai mis en place des solutions moins radicales, mais assez efficaces. En plus, elles sont intégrées à iOS et Android.

Ne pas déranger

La première est de simplement empêcher d’être dérangé. iOS permet d’activer le mode Ne pas déranger pendant une réunion trouvée dans vos calendriers, pendant la conduite, pendant la nuit ou à un endroit précis. Je vais au cinéma? J’active la fonction en mode Jusqu’à mon départ afin de ne pas recevoir de notifications pendant le film, et qu’au moment où je quitte la salle, tout revienne à la normale.

Ne pas déranger est aussi essentiel pendant la nuit afin de ne pas me faire réveiller par un message texte inutile, une réponse à un tweet, un snap, etc. Si c’est urgent, qu’on m’appelle.

Gérer ses notifications

Bon point pour m’aider : je n’ai déjà plus de patience pour les notifications en rafale qui ne servent à rien. Ça ne m’en prend pas beaucoup pour mettre une conversation de groupe sur Messenger temporairement en sourdine quand 3-4 personnes se mettent à discuter intensément!

Dans un même ordre d’idées, j’ai fait un grand ménage dans les applications qui, premièrement, peuvent m’envoyer des notifications, mais aussi dans les façons qu’elles ont pour me rejoindre.

Est-ce vraiment utile que Le Devoir, Radio-Canada, le New York Times et Apple News puissent faire sonner mon téléphone ou ma montre à chaque vibration dans le monde? Définitivement pas. Par contre, je veux rester au courant de l’actualité. Alors, j’ai désactivé le son de ces notifications et elles vont directement dans le Centre de notifications, et non plus sur mon écran verrouillé. Si je veux un aperçu de l’actualité, je n’ai qu’à glisser ce dernier vers le haut.

Cette logique s’applique pour toutes mes applications. J’ai fait le tour de mes apps dans mes paramètres et, tel un Pierre-Yves McSween de la techno, je me suis demandé si j’avais vraiment besoin de me faire déranger. Pour les applications et les services de contact direct, comme Messenger, Messages et Snapchat, tout est ouvert. Je veux savoir quand quelqu’un m’envoie un message texte. Qu’est-ce que je fais des courriels? Ce n’est pas nécessaire de les suivre à la seconde qu’ils entrent. Je ferai ma tournée moi-même, au bon moment.

Exit aussi les notifications bruyantes pour Instagram et Facebook. Le nombre de likes sur ma dernière photo publiée n’est pas une information essentielle pour moi, et c’est dérangeant. Concernant Instagram, par contre, j’ai laissé activer, dans les paramètres de l’application, les notifs pour les messages directs. La logique reste la même.

Temps d’écran à la rescousse

La dernière solution moins radicale l’est quand même un peu. iOS et Android permettent maintenant tous les deux de gérer le temps passé dans certaines applications. Comme paramétrer mes notifications et activer Ne pas déranger ne réglera pas mon problème de toujours aller chercher mon téléphone au moindre temps mort, j’ai activé des limites à certaines apps via Temps d’écran.

Afin de limiter le temps passé sur les réseaux sociaux, qui sont un puits sans fond de divertissement et de distractions, j’ai analysé les moyennes du temps passé sur chacun d’eux et j’ai diminué drastiquement. Radical, oui, mais très efficace.

Alors, quand j’ai atteint ma limite, Instagram, Reddit, Facebook et Twitter se verrouillent et m’empêchent de voir leur contenu. Si vous faîtes la même chose, ne soyez pas surpris que ça soit frustrant au début. Mais, si vous êtes comme moi, vos habitudes vont tranquillement être modifiées et vos vieux réflexes de sans cesse aller chercher votre téléphone dans votre poche diminuera.

La première étape pour régler un problème est de prendre conscience qu’il existe

Avant de régler un problème, il faut savoir qu’il existe. Afin de changer vos habitudes avec votre téléphone, observez-vous. Remarquez à quels moments vous le sortez de votre poche, ce que vous faites et le moment où vous le rangez. Si c’est pour combler un temps mort dans les transports en commun, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Par contre, si vous allez le chercher pour vous désennuyer, pour remplacer une autre tâche ou pour procrastiner, les moyens présentés ici peuvent être très utiles.

Photo par Anete Lūsiņa

Lorsque vous aurez compris vos habitudes, que vous aurez accepté de les changer et que vous aurez entrepris des démarches pour vous améliorer, vous allez probablement graduellement retrouver une certaine concentration et un certain désir de ne pas la perdre à nouveau. Et lorsque vous allez vous ennuyer, ouvrez donc un livre à la place d’Instagram. On a jamais assez de culture, mais on a rapidement assez de photos modifiées.

Ironiquement, je vous invite quand même à me suivre sur Facebook, Twitter et Instagram!

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